Le mandat de protection future pour préserver ses intérêts

Par : edicom

Par Simon Bader, consultant Olifan Group, diplômé notaire

Longuement débattu et arrivé récemment dans le paysage juridique français, le mandat de protection future est un outil destiné à relever le grand défi posé par les constats de vieillissement de la société, de situations de plus grande vulnérabilité et d’attentes exprimées par des personnes désireuses de conserver la main dans la gestion de leur patrimoine.

La maladie, l’âge avancé, le handicap, entre autres, sont susceptibles de menacer la pleine et entière autonomie juridique que l’on acquiert à sa majorité sur son patrimoine existant et à venir. Avant 2007, toutes ces situations d’incapacité, si elles étaient effectivement traitées, passaient par la voie judiciaire : seul le juge avait la capacité de prononcer une mesure de protection, de désigner un tiers chargé de pourvoir aux intérêts du mineur ou du majeur déclaré alors incapable, de fixer l’étendue de ses pouvoirs et d’assurer le contrôle de son action, ainsi que de statuer sur les décisions les plus importantes relatives à la gestion du patrimoine de la personne protégée.

La mise en œuvre d’une mesure judiciaire s’accompagnant alors nécessairement de toutes les lourdeurs administratives et procédurières de notre système, la gestion pertinente et efficace du patrimoine des personnes protégées a inéluctablement perdu en qualité. Le juge, émergeant furtivement dans la vie patrimoniale de l’incapable, n’a pas toujours la compétence suffisante pour apprécier toutes les problématiques patrimoniales se présentant à lui ; et quand bien même il viendrait à s’entourer de conseils avisés pour ce faire, les délais longs de traitement, d’échanges et de compréhension laisseront filer lentement mais sûrement les opportunités d’arbitrage dans la gestion du patrimoine.

Or en la matière, si la réflexion est effectivement bénéfique à la qualité de la compréhension, l’inertie reste l’ennemie d’une administration avisée de son patrimoine.

Fort de ce constat, le mandat de protection future est venu permettre à chacun d’anticiper sa protection juridique, et de prévoir les modalités de la gestion de son patrimoine en cas de survenance d’une incapacité.

Il s’agit bien d’un outil moderne – il n’existe que depuis 2007 –, novateur – il permet de s’affranchir de la mise en place d’une mesure de protection judiciaire et donc de l’immixtion du juge dans la gestion de son patrimoine – et désormais indispensable donc pour assurer une protection complète et personnalisée de son patrimoine en cas d’incapacité.

L’intérêt essentiel réside dans le fait que les règles seront fixées par la personne à l’avance, et non subies postérieurement de façon rigide.

Quoi qu’il en soit, un « bon » mandat sera le fruit d’une étude préalable des besoins du mandant, d’une réflexion approfondie qu’il conduira avec son conseil et de la compréhension des problématiques particulières qui se dégageront de l’indispensable audit de sa situation familiale et patrimoniale. L’efficacité du mandat passera bien par une définition sur-mesure de son contenu ; c’est à ce prix que l’on assure la sécurité juridique de chacun.

Les personnes concernées

A priori, tout le monde ! En effet, cette forme de mandat convient aussi bien aux jeunes parents soucieux de l'éducation de leurs enfants s'il leur arrivait quelque chose, qu'au grand-père qui souhaite faciliter au mieux à son entourage les décisions à prendre s'il venait à avoir besoin de mesure de protection, ou encore au chef d’entreprise soucieux d’assurer la pérennité de son activité en cas d’incapacité.

De façon pratique, deux acteurs particuliers vont se retrouver au centre du mandat : le mandant et le mandataire. Le mandant peut être une personne majeure

ou mineure émancipée, ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle ou d’habilitation familiale, ou même une personne en curatelle avec l'assistance de son curateur. Il s’agit de la personne soucieuse de sa protection personnelle et de celle de son patrimoine en cas de survenance d’incapacité, qui va prendre les devants et anticiper ce risque.

Le mandataire sera le tiers de confiance désigné par le mandant et chargé de le représenter dans la limite des pouvoirs qui lui auront été conférés dans le mandat.

Le mandataire peut être soit une personne physique (membre de la famille, proche, professionnels etc.) choisie par le mandant, soit une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

La personne désignée en la qualité de mandataire doit indiquer expressément sur le mandat qu'elle l'accepte. Pendant toute l'exécution du mandat, le mandataire doit jouir de la capacité civile. Il devra exécuter personnellement le mandat. Pour autant, il peut faire appel à un tiers pour les actes de gestion du patrimoine mais seulement à titre spécial, c'est-à-dire uniquement pour des actes déterminés.

Il est possible de désigner plusieurs personnes dans le mandat, qui exerceront leur qualité de mandataire ensemble ou séparément, conjointement ou concurremment. Ainsi, la protection de sa personne pourra par exemple être confiée à un membre de sa famille, en raison des relations privilégiées existantes, tandis que la protection du patrimoine pourra être confiée à une autre personne du fait de ses compétences particulières et de son habileté dans le domaine de la gestion de patrimoine. Une fois le mandat signé par le mandataire et le mandant, seul le juge des tutelles peut décharger le mandataire de ses fonctions.

Un contenu à géométrie variable selon la forme du mandat

Le mandat de protection future pour soi désigne l’acte par lequel une personne préoccupée par sa possible vulnérabilité choisit une personne de confiance aux fins de la représenter pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles.

Il existe deux types de mandat de protection future : pour autrui et surtout pour soi-même.

Le mandat de protection future pour autrui est l’acte par lequel des parents, ou le survivant d’eux, préoccupés par la vulnérabilité de leur enfant et le cas où ils ne pourraient plus être également en mesure de pourvoir à la gestion de la personne et du patrimoine de leur enfant, choisissent une personne de confiance chargée de les représenter à compter du moment où ils ne pourront plus se charger eux-mêmes de ces questions.

Dans ce cas, le mandat doit obligatoirement revêtir la forme notariée pour être valable.

Le mandat de protection future pour soi-même permet à une personne d’organiser à l’avance sa propre protection en désignant une ou plusieurs personnes qui auront la charge de s’occuper de sa personne et/ou de son patrimoine le jour où elle ne sera plus en mesure de le faire elle-même.

Là, le mandat pourra revêtir trois formes :

- un formulaire délivré par l’administration signé par la personne et déposé à la recette des impôts du domicile du mandant ;

- un acte sous seings privés qui devra être contresigné par un avocat ;

- ou un acte notarié, donc authentique.

Le choix de la forme va être particulièrement important, puisqu’il va déterminer l’étendue des pouvoirs que l’on pourra ou non conférer au tiers de confiance désigné pour la gestion de sa personne et/ou de son patrimoine.

Dans tous les cas, les pouvoirs conférés au mandataire, tiers de confiance, seront déterminés par la volonté du mandant.

Lorsque le mandat est établi sous seing privé, le rôle du mandataire est limité aux actes les moins importants, c’est-à-dire les actes conservatoires et de gestion courante. Pour tout le reste, il doit obtenir l’autorisation du juge pour pouvoir passer l’acte (par exemple pour la vente d’un bien immobilier, ou le placement de sommes d’argent).

Quand le mandat de protection future est passé par acte notarié, on profitera alors de toutes les vertus de l’authenticité ; dans ce cas, les pouvoirs du mandataire peuvent être élargis à l’exécution de tous les actes de disposition à titre onéreux (ventes) sans l’intervention du juge. Seuls les actes à titre gratuit (donations) resteront soumis à l’autorisation du juge des tutelles.

L’exécution du mandat

Tant que le mandant conserve ses facultés, le mandat ne produit aucun effet. Lorsque le mandataire constate que l’état de santé ne permet plus au mandant, seul, de prendre soin de lui ou de s’occuper de ses affaires, il devra faire constater l’altération de ses facultés mentales ou physiques de nature à empêcher l’expression de la volonté du mandant par un médecin habilité.

Le mandat fonctionnera comme une procuration : le mandataire représente le mandant et veille à ses intérêts pour les actes relatifs à sa personne et pour ceux concernant l’administration de son patrimoine.

Le mandataire sera responsable de sa gestion : il doit exécuter la mission qui lui est confiée conformément à ce qui est prévu dans le mandat et plus globalement par les règles du Code civil. Il doit établir un inventaire du patrimoine lors de la mise en œuvre du mandat. Il doit rendre compte annuellement de sa mission à la ou aux personnes potentiellement désignées dans le mandat pour contrôler cette mission : le mandataire établit un compte de gestion du patrimoine (utilisation des revenus, actes d’administration des biens) et un rapport écrit sur les actes liés à la protection de la personne elle-même (santé, logement, relations avec les tiers, etc.).

Le mandataire pourra confier un ou plusieurs actes déterminés de gestion du patrimoine à un tiers ; en ce cas il restera responsable des actes effectués par ce tiers.

La responsabilité du mandataire pourra être mise en cause en cas de mauvaise exécution, d’insuffisance ou de faute dans l’exercice de sa mission. S’il est reconnu responsable d’un préjudice à l’égard du mandant, il pourra être condamné à l’indemniser.

La fin du mandat

Avant sa mise en œuvre, le mandat pourra être librement révoqué par le mandant. Le mandataire pourra pareillement renoncer à sa mission tant que le mandat n’aura pas pris effet. Par après, seul le juge pourra décharger le mandataire de sa mission.

Une fois le mandat activé, celui-ci pourra prendre fin dans les cas limitatifs suivants :

- le rétablissement des facultés personnelles du mandant ;

- le décès ou le placement sous tutelle ou curatelle du mandant ;

- le décès du mandataire, ou son placement sous mesure de protection judiciaire ;

- la déconfiture du mandataire ;

- la révocation du mandat prononcée par le juge.

  • Mise à jour le : 21/02/2017

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