Louer sur Airbnb : les points à connaître avant d’investir

Par : edicom

Par Xavier Demeuzoy, avocat au Barreau de Paris, expertise en locations meublées touristiques et copropriété

Rentable, l’activité de louer en meublé touristique via des plates-formes, telles que Airbnb, reste soumise à une réglementation stricte, en particuliers dans les grandes villes et dont les contours sont suspendus à des décisions de la Cour de Justice européenne. Voici comment investir en toute connaissance de cause.

Les locations meublées touristiques (également dénommée locations meublées saisonnières) en France représentent un marché annuel de plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année pour la seule plate-forme Airbnb.

Cette activité est particulièrement attrayante pour les propriétaires pour plusieurs raisons :

- le gain escompté est généralement au moins deux fois supérieur aux revenus procurés par une location meublée classique ;

- les risques d’impayés sont presque nuls, l’argent étant versé via la plate-forme de façon concomitante à l’arrivée des touristes ;

- et les risques de contentieux liés à la détérioration du logement ou l’expulsion du locataire sont inexistants ou presque.

Attirés par ces arguments, de nombreux propriétaires souhaitant également échapper au plafonnement des loyers imposé par la Ville ont massivement investi à Paris depuis 2015. Or, ces investissements ont fréquemment été réalisés en violation de la réglementation d’urbanisme qui interdit le changement d’usage de locaux d’habitation en résidence secondaire et limite cette activité à cent vingt jours par an en résidence principale.

Si pendant un temps la Ville de Paris a pu faire preuve de tolérance, on assiste depuis quelques années à un durcissement des obligations incombant aux propriétaires (obligation d’immatriculation, transmission des revenus au fisc, etc.) outre une augmentation significative des amendes en cas d’infraction.

Afin de s’assurer du respect de cette réglementation, trente agents assermentés de la Ville de Paris dressent chaque jour des constats d’infraction et poursuivent systématiquement les propriétaires devant le tribunal en vue de réclamer une amende civile pouvant attendre 50 000 euros par logement en infraction. Pour la seule année 2018, la Ville de Paris a perçu près de 2 millions d’euros d’amende suite aux jugements rendus par le tribunal de grande instance et la Cour d’appel de Paris.

Investir à Paris en 2019 au mépris de la réglementation expose donc le propriétaire à un risque élevé de faire l’objet d’une opération de contrôle de la Ville ou des poursuites judiciaires devant le tribunal. Par ailleurs, outre la réglementation d’urbanisme précitée, il est désormais incontournable d’apprécier avant toute acquisition, la conformité de l’activité de meublé touristique avec les dispositions du règlement de copropriété.

Dans ce contexte, tout projet d’acquisition doit être apprécié au regard des quatre points suivants.

La réglementation contraignante propre aux grandes villes

Avant d’investir, tout propriétaire doit s’assurer de la réglementation applicable dans la commune. Si les locations meublées classiques ne sont soumises à aucune démarche administrative, il en va différemment des locations meublées de tourisme, qui sont des locations de courte durée pour une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

A Paris et dans l’ensemble des trois départements de la petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), ainsi que dans les villes de plus de 200 000 habitants, une réglementation spécifique s’applique à la location saisonnière en imposant la transformation des « locaux à usage d’habitation » en locaux à un « autre usage » (commercial, hôtelier…) dès lors qu’il ne s’agit pas de la résidence principale du propriétaire.

A l’inverse de la résidence principale qui nécessite d’y résider au moins huit mois par an, une résidence secondaire est occupée moins de quatre mois par an.

Ce bien transformé en location touristique n’est alors plus considéré comme un logement, mais comme un local commercial. Paris exige alors un changement d’usage soumis à une autorisation préalable de la mairie pour louer à des touristes (article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation). En ce sens, l’article L. 631-7 alinéa 6 du CCH soumet à autorisation préalable le changement d’usage des logements destinés à la location saisonnière, laquelle peut être subordonnée à compensation.

Cette règle, qui peut varier selon les arrondissements, impose d’acheter une surface équivalente d’un local commercial particulièrement coûteuse qui doit être transformé en local d’habitation, pour compenser la perte de surfaces d’habitation du local transformé. Attention, cette compensation coûteuse est totalement inutile si la copropriété refuse de changer un local d’habitation en local commercial. Or un tel vote suppose généralement un vote en assemblée générale à l’unanimité des voix de tous les copropriétaires présents ou représentés.

Il importe de préciser que dans certains arrondissements de Paris, si le bien est déclaré en résidence principale, les plates-formes de type Airbnb bloquent automatiquement les réservations après cent-vingt jours.

Sur ce point, il convient de rappeler qu’à Paris, depuis le 1er décembre 2017, tout loueur de meublé touristique doit obligatoirement se déclarer au risque de supporter une importante amende allant de 5 000 à 10 000 euros. Une fois la déclaration faite, il obtient son numéro d’enregistrement électronique, puis un numéro d’immatriculation, lequel doit figurer sur l’annonce en ligne. Avec ce numéro, la plate-forme de location doit bloquer l’offre de logement au-delà de la durée autorisée de cent vingt jours par an pour une résidence principale. Cette obligation a été étendue à d’autres grandes villes, comme Bordeaux et Lyon. Enfin, depuis le 1er janvier 2019, les plates-formes de type Airbnb ou Booking ont l’obligation de transmettre les revenus tirés de cette activité à l’administration fiscale.

En conclusion, sauf à disposer d’un local commercial, ou encore d’exercer une activité de chambre d’hôte dans sa résidence principale, il est impossible pour un propriétaire de louer légalement son appartement plus de cent vingt jours par an et donc d’en tirer un bénéfice notable.

Une réglementation suspendue à l’attente d’une clarification du droit européen

La réglementation des locaux meublés touristiques connaît actuellement une période transitoire. En effet, l’ensemble du dispositif contraignant réglementé autour de l’article L.631-7 du Code de la construction fait l’objet d’une question préjudicielle devant la Cour de justice de l’Union européenne. En clair et de façon synthétique, la Cour va devoir indiquer si ce texte est conforme au droit européen.

Dans cette attente, si la Ville de Paris continue de contrôler et d’assigner les contrevenants devant le tribunal de grande instance de Paris, toutes les affaires sont « gelées » et suspendues à l’arrêt de la Cour de justice attendu pour décembre 2019.

Une fois rendu, l’arrêt emportera deux conséquences notables :

- soit la Cour de justice invalide l’article L.631-7 du Code de la construction et expose la Ville à ce que toutes les assignations soient annulées devant le tribunal. Plus loin encore, on pourrait assister dans l’attente d’une réaction (attendue) du législateur à cet arrêt de la Cour, à une période d’insécurité juridique où l’activité de locations meublées touristiques serait tout simplement autorisée, faute de fondement légal ;

- soit la Cour valide l’article, et les tribunaux pourront juger toutes les affaires et la Ville poursuivre ses contrôles. On se retrouverait alors dans la situation initiale avant que la Cour de justice ne soit saisie.

En conclusion, pour un investisseur, il serait prudent d’attendre cette décision à venir de la Cour de justice de l’Union européenne qui devrait être riche en enseignements sur l’avenir de cette activité en France.

L’émergence d’un marché locatif attrayant dans des villes de taille plus modeste

On constate qu’investir dans des villes comme Paris, Lyon, Nice ou Bordeaux constitue un investissement plus risqué qu’autrefois. La réglementation d’urbanisme s’est considérablement durcie, et ces villes disposent de moyens humains et financiers pour s’assurer devant les tribunaux du respect de sa réglementation. Dans ce contexte, on voit émerger de nouveaux investissements dans des villes (encore) plus petites non soumises à la réglementation contraignante.

Pour une illustration, dans des villes comme Tours ou encore autour de Disneyland Paris, on assiste à un développement croissant d’investisseurs soucieux de pratiquer la location meublée touristique.

Dans ces villes, l’offre hôtelière peut apparaître insuffisante ou inadaptée pour accueillir les touristes et le coût de l’immobilier est bien moins élevé qu’à Paris. De même, de nombreuses petites cités balnéaires connaissent un attrait croissant. Dans ces villes de plus petite taille, la demande est forte et, sauf réglementation locale spécifique, il n’existe pas de limitation de durée pour louer son bien en résidence principale ou secondaire sur une plate-forme de type Airbnb.

Attention toutefois, à l’instar des grandes villes soumises à la réglementation contraignante, les biens situés en copropriété doivent respecter les dispositions du règlement de copropriété qui peuvent limiter, voire interdire cette activité de locations meublées touristiques.

La nécessité de vérifier les dispositions du règlement de copropriété

L’essor de ces locations meublées touristiques depuis quatre ou cinq ans a entraîné une modification notable des conditions de jouissance de certaines copropriétés et un essor des troubles inhérents liés aux passages des touristes, à commencer par des nuisances sonores. Dans ce contexte, les tribunaux ont pu se pencher sur la régularité de ces locations au regard du règlement de copropriété. On a alors assisté à une évolution notable de la jurisprudence.

Celle la plus récente de la Cour de cassation considère désormais que l’activité de location meublée touristique constitue une activité commerciale.

Dès lors, en présence d’une clause d’habitation dite bourgeoise dans le règlement de copropriété supposant que les lots sont affectés exclusivement à l’habitation, et sous réserve que cette activité soit pratiquée dans une résidence secondaire, la copropriété est fondée à solliciter en justice l’arrêt de cette activité sous astreinte financière.

Récemment, un client a acquis un appartement dans une copropriété qui avait récemment modifié son règlement de copropriété et interdit l’activité de location meublée touristique dans une ville qui n’interdisait pas cette pratique. Oubliant de vérifier cette clause, il s’est retrouvé en infraction auprès de sa copropriété.

Par conséquent, il est essentiel, avant toute acquisition, de faire relire le règlement de copropriété et les procès-verbaux d’assemblée générale par un conseil juridique disposant d’une expertise dans ce domaine.

  • Mise à jour le : 26/06/2019

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