Jean-Marc Peter (Sofidy) : cultiver l’indépendance et l’esprit d’entrepreneur

Par : Elisa Nolet

Parce qu’il souhaitait concilier finance et immobilier, Jean-Marc Peter devient en 2003 directeur financier de Sofidy, numéro un du marché des SCPI en termes de capitalisation. Il en est aujourd’hui le directeur général. Une mission captivante, en lien direct avec les problématiques des Français et les enjeux économiques du pays.

Les chiffres, Jean-Marc Peter en a toujours été féru. Ceux des maths et des sciences physiques, comme ceux des affaires et de l’économie. Dès ses études d’ingénieur, il souhaite se forger une expérience dans la finance. Son diplôme de l’Ecole des ponts et chaussées en poche, il commence sa carrière chez BNP Paribas, en salle des marchés. Il travaille alors sur les instruments de taux. Quelques années plus tard, il part en Australie au titre de la coopération. Pendant deux ans, il y opère comme analyste financier, chez BNP Paribas Australia. Mais le secteur qui l’attire véritablement est celui des fusions-acquisitions. La banque Eurofin, petite banque d’affaires créée au début des années 1980 par l’ancien président de Suez, Georges Pescloff, et qui sera rachetée par le Crédit commercial de France, s’est justement spécialisée dans ce secteur. Entré en 1991, Jean-Marc Peter va y passer cinq ans, au département des fusions-acquisitions.

Combiner prudence et performance

Lorsqu’en 1995, le groupe Vivendi lui propose de devenir le nouveau directeur immobilier du Centre des nouvelles industries et technologies (CNIT), le premier édifice construit à La Défense et emblématique du site, Jean-Marc Peter n’hésite pas : « C’était une mission très intéressante. Il fallait redresser l’activité immobilière du CNIT, qui comptait 20 000 m2 de commerces et de bureaux. Nous étions alors en pleine crise immobilière, il y avait beaucoup de vacances ». Le jeune directeur relève le défi, parvient à inverser la tendance et obtient même de beaux résultats. « Ces années passées au CNIT furent une expérience réussie et importante pour moi », se souvient-il. Il reste encore un an en fonction après le rachat du CNIT par Unibail, mais l’envie de retourner à la finance refait surface.

Jean-Marc Peter choisit de suivre un MBA à l’Insead. En 2003, il rejoint Sofidy dont il devient le directeur financier, un poste qui lui offre la possibilité de marier expérience immobilière et financière. Fondée en 1987 par Christian Flamarion, Sofidy s’est développée principalement dans la gestion de SCPI, d’OPCI et de SCI pour le compte d’épargnants personnes physiques ou morales. Elle gère notamment Immorente, une SCPI à capital variable investie dans les murs de boutiques et de magasins rigoureusement sélectionnés, prioritairement en centre-ville mais également en périphérie, ainsi que Selectirente, une foncière cotée originale spécialisée dans les murs de commerce à Paris et en région parisienne.

Lorsque Jean-Marc Peter arrive chez Sofidy au début des années 2000, la pierre-papier est alors peu connue et s’extirpe à peine de la crise immobilière des années 1990. Le nouveau directeur financier est pourtant convaincu de l’intérêt de cette solution alternative, à cheval entre l’immobilier et la finance. « Le métier de la pierre-papier est très noble : il permet d’apporter des réponses aux Français qui se trouvent dans la problématique récurrente de la préparation de leur retraite – sujet particulièrement d’actualité ! – tout en utilisant des actifs tangibles. Les gestionnaires de SCPI participent aussi à l’économie du pays. Et contrairement aux idées reçues, la pierre-papier n’est pas uniquement un actif de rentier. Elle a un objectif de génération de performance dans une logique de prudence et de faible volatilité ».

Un rouage essentiel de la création de valeur

Le corpus réglementaire s’avère dense et les aspects financiers omniprésents. Jean-Marc Peter savoure l’étendue et la richesse de ce nouvel univers professionnel. Il faut en modéliser les performances, l’apprécier au regard d’une vision à la fois micro et macroéconomique, se souvenir que les utilisateurs des biens immobiliers sous gestion sont des entreprises qui ont pour objectif de se développer… « Finance et immobilier se rencontrent donc à tous les étages ! », s’amuse Jean-Marc Peter.

Longtemps confidentielle, la pierre-papier connaît à partir du début des années 2000 une évolution favorable. L’organisation obligatoire d’un marché secondaire, tout comme l’assouplissement des conditions de revente et de travaux dans les immeubles en 2003, lui redonnent du souffle. Lors de la crise de 2008, les SCPI font figure de valeur refuge face à la volatilité des marchés financiers. Leurs bonnes performances et la régularité de leurs rendements, mises en évidence par un track-record de plus de quarante ans, éveille l’intérêt croissant des investisseurs. L’environnement exceptionnel de taux bas, qui dynamise ensuite le secteur, accroît encore l’engouement pour cette solution alternative.

Une évolution légitime et méritée pour Jean-Marc Peter : « Je regrette que l’immobilier soit considéré comme un produit presque honteux, alors qu’il est un rouage essentiel de la création de valeur. Grâce aux investisseurs immobiliers, les entreprises ont moins de capitaux à dépenser pour loger leur business. Cela permet donc aux acteurs économiques d’être plus efficaces et de contribuer à la création de richesses du pays ».

Emplacement prime au cœur des métropoles

Devenu directeur général adjoint, Jean-Marc Peter est promu directeur général de Sofidy en 2013, au côté de Christian Flamarion, président. « Christian Flamarion m’a tout appris et m’a permis de faire des choses passionnantes au sein de Sofidy, mesure-t-il. Il m’a beaucoup marqué. C’est un homme doté de grandes qualités d’analyse et d’une vision pertinente des évolutions macroéconomiques. Il est certainement le meilleur professionnel de la pierre-papier. »

Sous l’influence de Christian Flamarion, le groupe déploie une stratégie qui fait sa réussite : « Le choix de l’emplacement est primordial. Il constitue le premier critère d’une performance durable et supplante toutes les autres conditions que sont la qualité du bâti, l’énergétique, l’architecture, la qualité du locataire… », détaille Jean-Marc Peter. Face au phénomène de métropolisation qui révolutionne l’organisation des territoires à l’échelle mondiale, Sofidy fait le choix d’investir exclusivement au cœur des métropoles, privilégiant Paris intramuros et l’ouest de la capitale (La Défense, Suresnes, Levallois, Boulogne…), mais également Bordeaux, Lyon, Nantes, ou encore Rennes…

Depuis l’origine, Christian Flamarion prône également la grande prudence, considérant les SCPI comme un produit patrimonial, une solution de long terme, visant à générer du rendement de façon durable, au service des épargnants. « Nous constatons d’ailleurs que les parts de SCPI sont conservées longtemps et même transmises aux héritiers qui les gardent », remarque Jean-Marc Peter. La prudence implique bien sûr une diversification des risques à l’actif mais aussi une grande granularité au passif de la SCPI.

« Dans une SCPI à capital variable, donc liquide, la présence d’un gros associé à côté des épargnants pourrait poser un problème de liquidité s’il décidait de se retirer. Sofidy tient à se prémunir d’une crise de liquidité. Nous limitons donc les souscriptions à 100 000 € par investisseur et par SCPI. Cette politique nous permet aussi de maîtriser la collecte et de ne pas avoir trop de cash ».

Quant à la recherche de performance, elle passe, chez Sofidy, par l’indépendance et l’absence de prestataires extérieurs. « Pour optimiser la performance, nous tenons à maîtriser toute la chaîne de valeur de nos SCPI, en gérant nous-mêmes tous les actifs détenus, et en privilégiant l’accès direct au locataire final, sans intermédiaire, sauf pour l’hôtellerie », indique Jean-Marc Peter.

Avoir une action sur l’environnement

Lorsqu’il prend son poste de directeur général, les défis qui attendent Jean-Marc Peter sont naturels et évidents, dans la droite ligne de la politique menée jusqu’alors : développer le groupe, rechercher la performance, avoir une action sur l’environnement. « Préserver aussi la grande humanité, la bienveillance que Christian Flamarion a instaurées au sein de la société », relate Jean-Marc Peter.

L’environnement est l’un des principaux sujets d’attention chez Sofidy, avec la mise en place d’outils pour répondre aux critères ESG. « Je suis le premier défenseur d’une politique de développement durable, confie Jean-Marc Peter. S’atteler à cette problématique est totalement indispensable. C’est une demande des épargnants et des locataires. Des outils ont été mis en place pour atteindre cet objectif, notamment un comité ESG au sein de Sofidy. Cette question est un enjeu de tous les jours. » En tant que membre du conseil d’administration de l’Aspim, le groupe, par la voix de son directeur général, a d’ailleurs largement œuvré pour la mise en place du très attendu label ISR. « Nous avons conçu une grille d’analyse ISR. Et nous nous préparons également à la mise en place de la réglementation RT2020 (dont l’entrée en vigueur est reportée au 1er janvier 2021, ndlr), qui implique de baisser la consommation énergétique de 40 % d’ici 2030, de 50 % d’ici 2040 et de 60 % d’ici 2050. »

A ce titre, privilégier les emplacements prime comme le fait Sofidy a un effet vertueux. Les loyers élevés permettent en effet d’absorber plus facilement les travaux de mise aux normes.

Objectif : développer les nouvelles solutions

Diriger Sofidy, c’est prendre en considération cent cinquante collaborateurs, cent cinquante familles, cinquante mille épargnants et plus de 5 milliards d’euros sous gestion, répartis en SCPI, société civile, OPCI, OPPCI, SIIC, OPCVM immobiliers et fonds dédiés, principalement orientés vers l’immobilier de commerce, et de bureau. A commencer par Immorente bien sûr, la référence des SCPI investies en murs de commerce et la plus importante capitalisation en France. Citons également Immorente 2, SCPI à capital fixe, qui vise les murs de boutique les mieux placés des métropoles françaises. Ou encore Efimmo 1, la deuxième SCPI « vaisseau amiral » de Sofidy qui investit sur les actifs bureaux bien situés, à Paris et en première couronne, ouest notamment, mais aussi dans les principales villes européennes dynamiques.

Selectirente se positionne, elle, comme l’une des rares foncières spécialisées dans les murs de commerce de proximité et à taille humaine, majoritairement parisiens. « La boutique sur un emplacement de premier ordre : c’est réellement l’ADN de Sofidy, précise Jean-Marc Peter. Nous en détenons plus de six cents à Paris. » A Paris justement, la SCPI Sofiprime est, quant à elle, spécialisée sur le logement très haut de gamme (Marais, Montmartre, Saint-Germain-des-Prés…).

Alors que les Français connaissent de mieux en mieux la pierre-papier et que la collecte progresse, il devient possible de diversifier encore le patrimoine et d’élargir les horizons. D’une part en sortant des frontières, d’autre part en regardant de nouvelles typologies d’actifs. « L’Europe est pour tous les acteurs immobiliers un nouvel enjeu, indique Jean-Marc Peter. Par prudence, nous faisons le choix de l’Europe du Nord, en Allemagne et aux Pays-Bas. Nous nous intéressons également à d’autres types d’immobiliers, comme la petite logistique, le tourisme et le loisir, avec l’acquisition récente d’hôtels à Paris et à Nice, et même Hambourg et Salzbourg, ainsi que de campings de luxe. »

Dans ce contexte, Sofidy développe depuis quatre à cinq ans de nouvelles solutions : l’OPCI Sofidy Pierre Europe, le FCP Sofidy Sélection 1, le FCP S.Ytic, la société civile Sofidy Convictions Immobilières éligible à l’assurance-vie et, depuis novembre 2019, une solution d’épargne salariale en collaboration avec Eres, le FCPE Eres Sofidy Immobilier.

« Nous devons maintenant amorcer la dynamique de développement de ces nouveaux produits, remarque Jean-Marc Peter. Et pour ce faire, nous devons travailler plus que jamais sur l’amélioration de la performance des produits historiques. Avec l’objectif de faire mieux que la moyenne du marché. »

Continuer à apprendre et à progresser

Refusant de se reposer sur ses lauriers, la société est également capable de faire évoluer sa gouvernance. Comme en décembre 2018, lors du rachat de Sofidy par Tikehau Capital. Le groupe immobilier abandonne sa forme de société anonyme pour la forme de société par actions simplifiées, dotée d’un directoire et d’un conseil de surveillance. Jean-Marc Peter fait partie des trois membres du directoire, organe exécutif chargé de déterminer les grandes orientations stratégiques de la société et de les mettre en œuvre.

« Depuis le rachat, l’organisation de Sofidy a certes changé, mais nous conservons notre indépendance et nous demeurons une PME, dans laquelle les échanges sont permanents. Par ailleurs, Antoine Flamarion, fondateur de Tikehau Capital, est le fils de Christian Flamarion. Il dispose donc d’une sensibilité immobilière atavique. Bien que sous le contrôle de Tikehau, la vision stratégique de Sofidy reste identique et se renforce même, grâce à encore plus de dynamisme et d’esprit entrepreneurial », se réjouit Jean-Marc Peter.

Ce regard positif, Jean-Marc Peter le porte aussi sur les perspectives de la pierre-papier dans un avenir proche. Après une année 2019 exceptionnelle, il envisage l’année qui s’ouvre avec sérénité : « J’ai le sentiment que l’année 2020 devrait ressembler à 2019. L’environnement économique est favorable, la croissance modeste mais positive, et l’on observe une décrue lente du chômage. Plus particulièrement, les taux d’intérêt vont rester au même niveau et motiver l’investissement immobilier. Les valeurs immobilières peuvent même continuer à progresser, en l’absence, bien sûr, de choc économique ou géopolitique ».

Au-delà des résultats positifs et des projections séduisantes, Jean-Marc Peter confie la grande satisfaction qu’il éprouve à la tête de Sofidy : « J’ai l’occasion quotidienne de continuer à apprendre des choses, à ne rien considérer comme acquis. Et de progresser à titre personnel ».

  • Mise à jour le : 29/01/2020

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