Logement spécifique, la filière bâtiment de demain

Par : Dominique De Noronha

Selon une étude réalisée par le Crédoc, les seniors assurent depuis 2015 plus de la moitié de la demande globale française, dont 64 % pour la santé, 60 % pour l’alimentation, 58 % pour l’équipement, 57 % pour les loisirs et 56 % pour les dépenses d’assurance. La demande de produits et de services liés à l’autonomie et à l’aménagement du domicile devrait doubler d’ici 2035.  Une manne que les entreprises du secteur du bâtiment ne doivent pas laisser passer.

En Suède, environ 92 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivent dans des logements ordinaires. La prise en charge de la dépendance est considérée comme un service public. Les grandes décisions sont prises au niveau national, mais les communes ont une très grande autonomie pour les appliquer, et ce sont elles qui coordonnent les différents acteurs du système.

Mais qu’en est-il en France ? Les aménagements du logement font l’objet d’aides financières et d’avantages fiscaux.

Le maintien à domicile, la priorité des priorités

L’habitat adapté permet de prévenir et d’accompagner efficacement la perte d’autonomie, alors que les maisons de retraite sont aujourd’hui orientées vers les personnes les plus dépendantes. Le marché du maintien à domicile est donc naturellement en pleine croissance.

En effet, la France, avec 6 % seulement de son parc de logements adaptés aux plus de 65 ans, se situe en dessous de la moyenne européenne, et surtout loin derrière ses partenaires européens que sont l’Allemagne (7,9 %), le Danemark (12 %), ou les Pays-Bas (16 %).

Par ailleurs, les personnes âgées ne peuvent pas toujours compter sur la proximité de leurs enfants pour compenser l’inadaptation de leur logement. En effet, 23 % des seniors ont un enfant qui réside avec eux, 2 % seulement ont un enfant qui habite dans un autre logement du même bâtiment et 23 % en ont un qui demeure à moins de cinq kilomètres. Ce qui signifie qu’une personne âgée sur deux n’a pas d’enfant vivant à proximité de son logement.

Un enjeu considérable pour les métiers du bâtiment

L’enjeu technique est celui de la maîtrise des systèmes constructifs du bâti ancien et de ses contraintes. En effet, les personnes âgées vivent dans des logements souvent très anciens qui présentent d’importantes contraintes dès lors qu’il s’agit de réaliser des travaux d’adaptation : intervention sur un plancher bois pour la réalisation d’une douche à l’italienne, confortement des parois ou supports pour l’installation d’équipements…

L’autre enjeu est la connaissance des équipements spécialisés et de leur fonctionnement (notamment domotique). Sur ce point, les artisans devront être attentifs aux évolutions technologiques, comme la domotique dans ses aspects les plus pratiques : détecteur de fuite de gaz, automatisation de l’éclairage, téléassistance, parcours lumineux, automatisation de l’éclairage, volets roulants, détecteur communiquant (alerte à l’entourage)…

Plus de professionnalisation

Le rôle clef qui doit être dévolu aux opérateurs dans la simplification du parcours du demandeur et l’élaboration d’un projet de qualité implique de mettre l’accent sur leur professionnalisation. C’est un axe prioritaire de la convention conclue entre l’Anah et les fédérations d’opérateurs : PACT, Habitat & Développement et Acad. Leur rôle de pivot dans la coordination des différents acteurs (ergothérapeute, artisans, famille, financeurs) est essentiel pour garantir la réussite des projets, d’autant plus que la spécificité des travaux pour l’adaptation des logements de personnes âgées demande une attention toute particulière.

Ces personnes, qui vivent dans leur logement, parfois depuis plus de cinquante années, ne réalisent pas toujours l’ampleur des modifications de leur espace domestique, n’imaginent pas toujours la complexité de certains travaux, ni le nombre d’artisans qui devront effectuer les différentes interventions. C’est ici que l’opérateur doit jouer son rôle d’accompagnement renforcé en informant la personne sur les phases de travaux, sur les différents corps de métiers qui seront amenés à intervenir, sur l’organisation de chantier à mettre en place chez elle, afin que les travaux ne soient pas vécus comme une contrainte envahissante. L’opérateur doit porter une politique de concertation entre les acteurs et développer la culture du « travailler ensemble » et ce, jusqu’à la réception des travaux, voire jusqu’au paiement du solde des factures.

La chute, le risque numéro un

Les personnes de plus de 65 ans qui habitent des logements peu adaptés, voire inadaptés à l’avancée en âge s’exposent à des facteurs de fragilités, comme le risque de chutes (62 % des 450 000 chutes enregistrées chaque année surviennent à domicile), pouvant entraîner une prise en charge en établissement et annoncer les premiers signes de perte d’autonomie.

Ainsi, comme l’indique l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) dans une étude récente, « on estime qu’environ un tiers des personnes âgées de 65 ans et plus et vivant à domicile chutent chaque année. Cette proportion augmente avec l’âge, et les femmes sont quasiment deux fois plus nombreuses à chuter que les hommes. Les chutes des aînés engendrent un nombre conséquent d’hospitalisations et la fracture de la hanche en est un motif important. Les conséquences physiques et psychologiques d’une chute peuvent être importantes chez la personne âgée : diminution de la mobilité, perte de confiance en soi, limitation des activités quotidiennes et action du déclin des capacités fonctionnelles, mise en péril du maintien à domicile. Enfin, elles constituent la principale cause de décès par traumatisme dans cette population. »

Vieillir chez soi, c’est créer des emplois

Depuis 1962 et le rapport Laroque sur la « Politique de la vieillesse », le maintien à domicile des personnes âgées est considéré comme une priorité, déclinée de façon concrète à partir des années 1990, avec la création de la prestation spécifique de dépendance. Cette orientation a favorisé l’émergence d’une offre de services à domicile et contribué à la création d’emplois durables, non délocalisables.

Depuis 2005, le secteur des services à la personne est le secteur de l’économie française qui connaît le plus fort taux de croissance annuelle moyenne. En 2011, il a employé 1,9 million de salariés, soit 4 % des emplois équivalent temps plein de l’ensemble de l’économie française. Aujourd’hui, les services à la personne regroupent une vingtaine de métiers et une soixantaine de certifications dans trois familles d’activité : l’assistance aux personnes dépendantes, les services à la famille et les services de la vie quotidienne. Les emplois du secteur sont occupés à 98 % par des femmes et à 80 % par des travailleurs non qualifiés, avec une moyenne d’âge élevée (48 ans). Une nouvelle étape s’ouvre aujourd’hui, alors que la pyramide des âges du secteur impose le recrutement de jeunes pour prendre la relève des salariés actuels. Il s’agit de structurer une filière de formation et de valorisation des emplois du secteur, afin d’attirer des candidats jeunes, formés, à la recherche d’un vrai parcours professionnel et non d’une activité « par défaut ».

Développer l’intervention des professionnels

La prise en charge des personnes âgées dépendantes repose principalement sur l’intervention de professionnels de l’aide et de l’accompagnement. Ce sont le plus souvent des salariés des services d’aide à domicile, principalement des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD).

Alors que les besoins en personnel peinent à être couverts dans l’aide à domicile, la stratégie de formation des salariés est confuse, et la stratification des diplômes, par ailleurs, gêne leur mobilité. Pour offrir des perspectives de carrière et permettre une mobilité des personnels entre l’emploi à domicile et l’emploi en établissement, une rationalisation des qualifications et des diplômes est nécessaire, à laquelle concourt la création du diplôme d’Etat d’accompagnant éducatif et social par le décret du 29 janvier 2016.

La croissance des résidences seniors

En France, le marché des résidences seniors est en pleine expansion : le nombre de résidences est passé de 430, en 2013, à 480 en 2015, et les perspectives l’estiment à 1 000 en 2020. Le parc de résidences seniors s’agrandit chaque année de près de 8 000 logements, faisant de ce mode d’hébergement de loin le plus dynamique, comparé notamment au logement historique adapté, à l’Ehpad ou au foyer-logement.

Le modèle économique plus flexible des résidences nouvelle génération avec des offres de services à la carte permet aux promoteurs et exploitants de s’adresser à une population de plus en plus large et aux besoins divers et immédiats.

Aujourd’hui, selon l’étude réalisée par Senior média et MKG, six opérateurs de résidences services seniors offrent d’ores et déjà chacun plus de 1 000 logements : Domitys, Les Hespérides et les Jardins d’Arcadie ont chacun entre 3 500 et 4 300 logements, devant les Villages d’Or, les Senioriales et La Girandière. Le classement des opérateurs en nombre de logements et en nombre d’établissements ouverts diffère, car Domitys et Les Jardins d’Arcadie ont des résidences de taille moyenne plus élevée, tandis que Les Hespérides et Les Senioriales exploitent des résidences de copropriétés plus nombreuses sur le territoire français, mais en moyenne plus petites. Derrière ces leaders suivent des acteurs de taille encore moyenne avec à date moins de 1 000 logements ou de 10 résidences en exploitation et généralement des implantations plus locales.

En plus des leaders actuels qui portent de nombreux projets de résidences services seniors, il existe actuellement une forte dynamique de développement sur ce segment de marché de la part d’acteurs du monde de l’Ehpad (DVD, Emera, GDP Vendôme ou encore Steva), mais aussi de l’univers des résidences de tourisme et de l’hôtellerie (Résid’Etudes avec La Girandière, le groupe Fousse avec Idylia) et des grands promoteurs (Vinci avec Ovelia, Altarea Cogedim avec Cogedim Club). D’autres nouveaux acteurs, tels que Sairenor ou Montana, ont également un pipeline important.

Ainsi, les ambitions des grands acteurs, les appétits des acteurs émergents et les initiatives des pouvoirs publics, notamment dans le cadre du plan Autonomie qui prévoit d’appuyer l’offre de « logements intermédiaires », soutiennent actuellement la croissance du parc de résidences services seniors. On compte déjà pour les seuls acteurs de chaînes plus de 150 résidences actuellement en commercialisation, qui représenteraient une augmentation du parc en France de plus de 14 000 logements à l’horizon 2017. Les chaînes de résidences services sont ainsi un moteur de croissance de l’offre de logements à destination des seniors, l’un des enjeux majeurs de la Silver Economie.

Un contexte démographique porteur, une offre répondant aux attentes des seniors, la qualité des locataires, des mesures fiscales incitatives sont autant de facteurs favorables à la réussite du concept auprès des investisseurs. Les résidences seniors s’adressent à des retraités autonomes : elles sont composées de logements individuels adaptés et d’espaces communs au sein d’un ensemble collectif sécurisé. Plus qu’un simple ensemble de logements aménagés agrémenté de services, la résidence senior s’impose comme un terrain privilégié d’initiatives et d’expérimentations technologiques et sociales au service du « bien-vieillir ». Tandis que le concept de maison connectée prend forme (terminaux de communication, équipements domotiques, e-santé…), les initiatives se multiplient en matière de cohabitation intergénérationnelle, d’ouverture des résidences à des tiers et d’exercice d’une logique de parcours préventif de santé.


Dans le même dossier, lire aussi:

L’or gris, source d’opportunités pour les marchés financiers

Retraite : le bel avenir des complémentaires individuelles

Deux DU pour se former sur la clientèle des seniors

  • Mise à jour le : 24/10/2016

Vos réactions