Abus de droit : Bercy 5-contribuables 0

Par : edicom

Par FAC JD et Associés

Le 10 janvier dernier, le Comité de l’abus de droit fiscal s’est réuni afin d’examiner cinq nouveaux cas. Le score est sans appel : 5 à 0 en faveur de Bercy.

En outre pour toutes les affaires examinées, le Comité a estimé que le contribuable devait être regardé comme ayant eu l’initiative principale des actes constitutifs de l’abus de droit et, en outre, comme en ayant été le principal bénéficiaire au sens du b) de l’article 1729 du code général des impôts. L’application de la majoration de 80 % prévue par ces dispositions est donc aux yeux du Comité parfaitement fondée.

Les deux premières affaires traitent de la question de la vente requalifiée en donation. Les trois dernières sont relatives à des opérations d’apport-cession avec soulte. De grands classiques ! Histoires de contribuables (et de leurs conseils) qui ont joué avec le feu et qui se sont brulés…

Vente ou donation ?

Affaire n° 2018-18 et Affaire n° 2018-19

Une dame a cédé à ses deux petits-enfants des actions d’une SAS pour un prix d’environ 1,5M€ en 2004.

Cette cession a donné lieu au dépôt d’une déclaration de cession de droits sociaux et l’acte a été enregistré au service des impôts.

Lors d’un contrôle effectué en 2017, l’administration a constaté que le prix de cession n’avait pas été payé. Elle a estimé la présence d’une intention libérale de la venderesse à l’égard de ses petits-enfants. La procédure de l’abus de droit fiscal a été appliquée, et la donation a été soumise au paiement des droits de mutation à titre gratuit.

Il est relevé en 2019, lors de la séance du 10 janvier que le prix n’est toujours pas payé et qu’aucun élément n’établit la volonté de la cédante d'obtenir un tel paiement.

Il est aussi relevé que les petits enfants co-signataires de la déclaration de cession des titres, ont acquiescé au transfert de leur propriété à leur bénéfice sans manifester de volonté d’en payer le prix convenu.

Sans surprise, le Comité a émis l’avis que l’administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Apport avec soulte

Affaire n° 2018-25

Monsieur X détenait 100 % d’une EURL et 99,8 % d’une SARL

Ces deux sociétés avaient une activité commerciale opérationnelle.

En mai 2013, M. X a constitué la société holding de droit luxembourgeois en apportant l'intégralité des parts qu'il détenait dans l'EURL et la SARL. C. Au passage une soulte d’un montant de 438 470 € a été inscrite au crédit de son compte courant d'associé.

La plus-value d’apport réalisée par M. X, d'un montant de 1 685 065 euros après application d'un abattement pour durée de détention de 65 %, a été placée sous le régime du report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du code général des impôts, y compris la partie correspondant à la soulte dans la mesure où son montant n’excédait pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

Remarque

Concernant l’application de la soulte à une opération d’apport, il convient de rappeler que le montant de la soulte doit être calculé « en dedans ». En effet, la soulte correspond à une partie du montant des titres remis au moment de l’opération. Il ne s’agit pas d’une somme supplémentaire reversée à l’apporteur par la société bénéficiaire. En conséquence, le montant de la soulte doit être calculé comme suit :

Exemple :

La valeur des titres remis par Monsieur X à sa société holding est de 100.000 €.

Le montant maximum de la soulte sera de : 100.000 / 11 = 9.000 €.

Dans cet exemple, la valeur nominale des titres reçus serait de 91.000 € (soit le capital social de la société holding) et M. X toucherait 9.000 € de soulte (soit 100.000 € au total)

Ainsi, le montant de la soulte (9.000€) est bien inférieur au 10% du montant de la valeur nominale des titres reçus (91.000€).

L’administration a considéré que la soulte versée était dépourvue de justification économique et avait pour motivation exclusive la volonté de l'apporteur d'appréhender immédiatement en franchise d'impôt une partie de la plus-value de cession ultérieure des titres.

Le Comité relève que le dispositif du report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du code général des impôts poursuit la même finalité que le dispositif du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du même code. Ces dispositifs ont pour objectif de faciliter les opérations de restructuration d’entreprises, en vue de favoriser le développement de celles-ci, en conférant un caractère intercalaire aux opérations d'échange de titres.

Le Comité considère que ce but n’est pas respecté si l’octroi de la soulte ne s’inscrit pas dans le cadre de l’opération de restructuration d’entreprise mais est en réalité uniquement motivé par la volonté de l’apporteur des titres d’appréhender en franchise immédiate d’impôt des liquidités détenues par la société dont les titres sont apportés et faisant ainsi l’objet d’un désinvestissement, faute qu’il soit justifié que la société bénéficiaire de l’apport avait, afin de permettre le dénouement de l’opération, un intérêt économique au versement de cette soulte, alors que, lorsque cette soulte est ainsi financée, elle prive cette société de la possibilité de disposer de ressources nécessairement prises en compte lors de la détermination de la valeur des titres apportés.

Nb : Pour deux autres cas semblables Affaire n° 2018-26 et Affaire n° 2018-27, le verdict est le même.

Remarque

Cet avis n’a qu’un intérêt historique. En effet, la loi de finances rectificative pour 2016 est venue modifier, le traitement fiscal de la soulte perçue par l’apporteur lors d’une opération d’échange ou d’apport.

Il est désormais prévu, en cas de versement d’une soulte dans le cadre d’un échange de titres, que la plus-value constatée est immédiatement imposée à concurrence du montant de ladite soulte.

 

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  • Mise à jour le : 12/04/2019

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