Loueur en meublé et impôt sur le revenu : Bercy modifie sa position

Par : edicom

Analyse par Jacques Duhem (Fac JD et Associés)

Le législateur a prévu de longue date (d’abord dans le cadre des dispositions de l’article 151 septies, puis de l’article 155 du CGI) que pour prétendre au statut de LMP/IR, le loueur devait être inscrit au RCS.

Cette condition est malheureusement difficile à satisfaire car la location meublée n’est pas juridiquement une activité commerciale. L’inscription au RCS est donc a priori impossible.

Une QPC de février 2018 a jugé cette condition anticonstitutionnelle dans le cadre de l’analyse de l’article 151 septies du CGI, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2005 au 29 décembre 2008. Cette décision ne visait pas le texte actuellement applicable et prévu à l’article 155 du CGI.

Face à ces difficultés d’application, l’administration avait prévu deux mesures palliatives :

- un formulaire de déclaration de début d’activité commerciale au sens fiscal : il s’agit du formulaire P0i ;

- une tolérance administrative qui permet d’obtenir le statut de LMP sans inscription au RCS, sous condition de fournir la preuve écrite du refus d’inscription (§80 du BOI-BIC-CHAMP-40-10).

Que dit l’article 155 du CGI ?

L’article 155 du code général des impôts, visant l’impôt sur le revenu, prévoit que l’activité de loueur en meublé est exercée à titre professionnel lorsque trois conditions sont cumulativement réunies :

- un membre du foyer fiscal au moins est inscrit au registre du commerce et des sociétés (RCS) en qualité de loueur professionnel,

- les recettes annuelles retirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 €,

- les recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu.

Le législateur a transféré dans cet article 155 les dispositions, anciennement prévues à l’article 151 septies du CGI, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010.

Que dit l’ancienne version du BoFip (en vigueur jusqu’au 19 mars 2019) ?

A. Inscription au registre du commerce et des sociétés

60 - Pour que la location meublée soit exercée à titre professionnel, il est nécessaire que l’un au moins des membres du foyer fiscal soit inscrit en qualité de loueur en meublé professionnel au registre du commerce et des sociétés (RCS).

70 - A contrario, la location meublée n’est jamais considérée comme exercée à titre professionnel lorsque aucun des membres du foyer fiscal n’est inscrit en qualité de loueur en meublé professionnel au RCS, et ce quand bien même les deux autres conditions seraient satisfaites.

80 - Afin de répondre aux difficultés qui peuvent apparaître du fait du refus de certains greffes des tribunaux de commerce d’inscrire les loueurs en meublé au registre du commerce et des sociétés, la qualité de loueurs en meublé professionnels aux personnes qui, remplissant par ailleurs la condition relative au montant des recettes, ne sont pas inscrites au registre du commerce et des sociétés du seul fait du refus du greffe motivé par le caractère non commercial de l’activité. La preuve du motif de ce refus devra être apportée par le contribuable qui présentera à cet effet une copie de la décision du greffe. En effet, aux termes de l’article R. 123-97 du code de commerce, la décision de refus d’inscription comporte les motifs du rejet de la demande (RM Beaulieu n° 19560, JO AN du 28 octobre 2008 p. 9266).

90 - Lorsque la location meublée est consentie par une société ou un groupement soumis au régime des sociétés de personnes ou une indivision, il n’est pas nécessaire que ses associés ou membres soient inscrits au RCS en leur nom dès lors que la société bailleresse ou l’indivision y est elle-même inscrite en qualité de loueur en meublé.

100 - Lorsque l’un des membres du foyer fiscal est inscrit au RCS ou associé d’une société de personnes inscrite au RCS, la condition d’inscription au RCS est satisfaite pour l’ensemble des membres du foyer fiscal auquel il appartient.

Que dit la nouvelle version du BoFip applicable depuis le 20 mars 2019 ?

Dans une décision n° 2017-689 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, pour la qualification de loueur en meublé à titre professionnel, la condition tenant à l’obligation d’inscription d’un des membres du foyer fiscal au RCS prévue alors au VII de l’article 151 septies du CGI. A compter de cette décision, la condition d’inscription au RCS figurant dans les dispositions actuelles de l’article 155 du CGI n’est plus exigée pour la qualification de loueur en meublé professionnel.

Le BoFip supprime donc de manière rétroactive (à compter du 8 février 2018) la condition relative à l’inscription.

Conclusion

Nous disposons donc à ce jour d’une définition législative (celle de l’article 155 du CGI) et d’une définition administrative. La nouvelle doctrine administrative est contraire à la loi, mais moins contraignante : la loi exige trois conditions, la doctrine deux seulement… Bien que contraire à la loi, le contribuable pourra l’opposer à l’administration sur la base de l’article L. 80 A du LPF. En revanche, l’administration ne devrait pas pouvoir imposer au contribuable sa définition contraire à la loi. Une personne ne souhaitant pas relever du régime du LMP, s’étant jusqu’à aujourd’hui abstenue de s’inscrire au RCS, va-t-elle basculer malgré elle dans le statut de LMP ? Par ailleurs la portée rétroactive de la doctrine administrative suscite, elle aussi, des interrogations…

 

Les prochaines formations sur la location meublée

Fac JD et Associés organise des formations validantes Carte T d'une durée de 7 heures chacune sur la location meublée, analyse pratique, juridique, comptable et fiscale:

- à Paris, le 3 avril ;

- à Lille, le 20 juin;

- et à Lyon, le 21 juin.

Ces formations seront toutes animées par Jacques Duhem.

  • Mise à jour le : 28/03/2019

Vos réactions