Patrick Ganansia (Herez) : sens client, expertise et performance

Par : Benoît Descamps

 

Parti de rien, Patrick Ganansia a mené la société Herez au milliard d’euros d’encours financiers conseillés. Les recettes de son succès sont simples, mais ô combien difficiles à mettre en musique.

«J ’ai toujours aimé les marchés financiers et été passionné par la gestion de patrimoine en général », lance le CGP en guise de préambule. C’est pourquoi dès la sortie de son cursus en école de commerce (ISG – Institut supérieur de gestion), suivi de dix-huit mois d’études à l’étranger, à New York et Tokyo, Patrick Ganansia décide de construire son expérience dans le domaine. Quelques mois chez les assurances Saint-Honoré (Rothschild), avant d’entrer chez Féau immobilier, puis de passer un an à la banque privée de la Société générale… et hop le grand saut vers l’indépendance, à vingt-sept ans, avec la création du cabinet Initiatives Financières, en 1995 à Paris.

Avec le soutien de son père

Les premiers temps ont été difficiles : quelques amis et connaissances professionnelles lui accordent leur confiance, mais pas suffisamment pour bien gagner sa vie. Il démarre alors dans les locaux de son père, expert-comptable. « Il a été déterminant dans ma carrière, il m’a tout d’abord donné la culture de l’entrepreneuriat et des chiffres. Et il m’a toujours soutenu à mes débuts, sans hésiter à me présenter des clients dès qu’il en avait l’opportunité. La notion de transmission est fondamentale dans ma famille, pas pour l’aspect matériel, mais pour les valeurs. Ce n’est pas un hasard si, en 2011, nous avons rebaptisé notre cabinet, Herez (mélange de “Eres” signifiant “héritier” en latin et “Erez”, “cèdre” en hébreu, symbole de pérennité). Les premières années du développement ont été longues. Je ne pense pas que ce serait possible aujourd’hui de partir de zéro. Avec l’érosion des marges et des frais, et la lourdeur réglementaire, les barrières à l’entrée sont devenues très élevées. »

Allergique aux performances négatives

Titulaire du DU Gestion de patrimoine de Clermont depuis 2001, Patrick Ganansia s’appuie sur deux valeurs fortes. La première, la satisfaction de ses clients : « Dès le début de ma carrière, j’ai toujours eu envie de me positionner à côté de mon client, et non pas du côté de la banque ou de la compagnie d’assurance. » La seconde, délivrer de la performance. « Je suis obsédé par l’anti-performance. Je ne supporte pas que mes clients puissent perdre de l’argent. Je préfère être trop prudent. On exerce tout de même un métier incroyable : des familles qui vous confient les économies d’une vie, c’est une responsabilité énorme ! Ce capital doit, à la fois, répondre aux besoins des projets futurs comme l’éducation des enfants ou la retraite, mais aussi être transmis dans les meilleures conditions. C’est une très grande preuve de confiance et qui, en plus, s’inscrit dans la durée. C’est pourquoi nos recommandations doivent toujours être réalisées avec la plus grande réflexion et conviction. »

La confiance des clients se gagne alors petit à petit, et les recommandations suivent. Côté sélection de produits, Patrick Ganansia et son équipe se veulent exigeants dans leur choix, mais aussi dans leur rareté. Sur ce point, il évoque dans l’actualité de la sélection d’Herez un OPCI de petite taille, spécialisé sur des murs de boutiques, un fonds de biotech, un dossier immobilier aux Etats-Unis ou un fonds obligataire à cinq ans avec un objectif à 7 %.

Herez veut également être un dénicheur de talents dans le domaine des sociétés de gestion. Le cœur de ces portefeuilles est généralement composé de fonds de grandes signatures, et des positions satellites viennent temporairement booster la performance via l’intégration de concepts originaux. Dans ce domaine, Patrick Ganansia cite les sociétés Sunny, Axiom, Gemway Assets, Phileas ou encore Amaïka AM, notamment. Ces dernières années, le cabinet a pris des participations dans certaines structures afin « d’être plus proches des gérants, de bien apprécier la méthodologie de gestion et la composition de la performance, et de permettre aux clients d’avoir un accès direct au gérant. »

Associé à un expert de l’ingénierie patrimoniale

C’est la rencontre avec Michel Patrier, qui intègre le cabinet en 2002, qui donne le premier coup d’accélérateur à la société. « Un exceptionnel ingénieur patrimonial doté d’une connaissance technique pointue, couplée à une imagination exceptionnelle. Sa technique nous a permis de monter en niveau vis-à-vis de nos clients. »

Progressivement, le cabinet se dote d’autres personnalités importantes au développement de la structure et présentes depuis plus de dix ans, notamment Carinne Monteiro et Benjamin Oliel, en charge du suivi des clients haut de gamme, puis rejoint plus récemment par Laurent Porquiet et Adrien de Felcourt. Progressivement, la clientèle monte en niveau et le cabinet dispose désormais d’un département de family office. Patrick Ganansia avoue également avoir beaucoup appris de ses échanges d’expériences au sein du groupement associatif de CGPI, La Boétie Patrimoine, qu’il préside depuis 2008. « Ces échanges apportent à tous les membres. Ils permettent de se poser les bonnes questions, ils apportent des réponses à des problématiques que nous rencontrons tous dans notre quotidien. » Entre-temps, il a également été administrateur, et notamment vice-président de la CNCGP. « La profession m’a beaucoup donné, il convenait que je renvoie l’ascenseur. »

Croissance externe

La première phase de développement est, tout d’abord, organique jusqu’en 2008. Cette année-là, Patrick Ganansia saisit l’opportunité de reprendre le cabinet MFO de Pierre-Laurent Fleury, lequel se lance alors dans l’aventure ManyMore. « Nous avons acquis un portefeuille de clients nouveaux pour 70 millions d’euros d’encours suivis. » Cette première opération se déroule parfaitement et d’autres suivent, en particulier le dossier Antéis Epargne, cabinet fondé par François Pasquier et Bernard Dordain et qui appartenait en partie à Banque privée 1818. « Ils ont vendu pour prendre leur retraite. Nous avions convenu qu’ils resteraient le temps souhaité. Cinq ans après, ils sont toujours là et continuent leur activité avec un très grand professionnalisme, comme Edward Harding. Dans ce métier, avoir des cheveux gris est une grande qualité car une grande partie du conseil repose sur l’expérience. »

Un esprit boutique

Aujourd’hui, l’objectif reste de continuer à croître, mais toujours avec un esprit « boutique » c’est-à-dire un service très attentionné et un conseil personnalisé optimal. Herez se compose d’une trentaine de collaborateurs. « Si nos clients ont un interlocuteur privilégié, c’est toute une équipe de deux ou trois personnes qui connaissent leurs dossiers pour délivrer un service maximal et un conseil global. Si nous continuons à accompagner nos clients à construire, à protéger et à transmettre leur patrimoine dans de bonnes conditions, nous ne pouvons que continuer à grandir. »

Les dossiers de cabinets qui souhaitent vendre continuent d’être étudiés, la qualité de la clientèle et donc de son cédant sont des clés de l’analyse, « car avant de gérer des capitaux nous accompagnons des familles. »

Il pourrait également s’agir d’intégrer une structure existante et son équipe à la société Herez, mais avec comme impératif de partager les mêmes valeurs que leurs dirigeants.

Une société de gestion à créer

Avec des encours s’élevant maintenant à un milliard d’euros, Herez compte lancer sa propre société de gestion dans les mois à venir. « Nous avons pris cette décision après y avoir longuement réfléchi. La gestion sous mandat va apporter un vrai plus à nos clients via une meilleure réactivité dans notre gestion et un allégement pour le client des contraintes administratives liées aux arbitrages. Nous espérons aussi des partenariats avec les sociétés de gestion dont nous sommes proches pour offrir des solutions originales d’investissements. »

L’autre axe de développement d’Herez est l’accompagnement de clients non-résidents (15 % de la clientèle). Un bureau à Luxembourg a notamment été créé en 2014 afin de permettre à ses expatriés « d’être toujours suivis par nos soins avec une culture française ».

  • Mise à jour le : 25/10/2016

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