Quand la volatilité fiscale frise la déraison

Par : edicom

Par Georges Nemes, président de Patrimmofi

Le Grand débat national organisé par le gouvernement nous montre qu’en matière de créativité fiscale, nos compatriotes n’ont rien à envier à nos gouvernants. Rétablissement de l’ISF, à peine dix-huit mois après sa suppression, taxation en tout genre de l’immobilier, des transactions boursières, hausse de la TVA… N’en jetez plus !

La contestation des gilets jaunes qui s’est cristallisée au départ sur un trop-plein d’impôts, aboutit, in fine, à un débat dont la plupart des propositions consistent à augmenter la fiscalité. Selon l’OCDE, la France est désormais championne du monde de la pression fiscale. Champagne ! On n’est pas près de perdre notre titre.

Gagner moins pour défiscaliser plus

Côté gouvernement, en matière fiscale, la mode semble être au « ballon d’essai ». Ainsi, notre ministre de l’Action et des Comptes publics annonce vouloir diminuer le plafond global des niches fiscales. Une mesure « réclamée » par les participants au grand débat national. Il préconise donc d’encadrer les niches fiscales, en diminuant leur plafond global ou en les mettant sous conditions de ressources. « Gagner moins pour défiscaliser plus », en quelque sorte ! Immédiatement « rattrapé par la patrouille », selon une expression chère à notre président, il est sommé de démentir.

Dans le même esprit, notre ministre de l’Economie Bruno Le Maire, évoque la taxation des plus-values réalisées sur la résidence principale. Avant que Julien Denormandie, le ministre du Logement, soit dépêché sur les plateaux de télé pour déclarer qu’il n’y était pas favorable.

Mieux : un article de la loi de finances de 2019 concernant l’abus de droit menace de toucher les démembrements de propriétés s’ils sont réalisés dans un but « principalement » fiscal. Un simple adverbe qui change tout et qui provoque le branle-bas de combat chez les professionnels de la gestion de patrimoine. Réactions de Bercy : dans un communiqué de presse, le ministère précise que « la nouvelle définition de l’abus de droit ne remet pas en cause les transmissions anticipées de patrimoine, notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives ». Depuis quand un communiqué de presse fait force de loi ou vaut jurisprudence ? Reste que le principe est désormais en place. Avec tout l’aléa fiscal qu’il comporte.

L’ordre de remplacement

Dernier exemple en date de cette « excitation fiscale », le débat sur la transférabilité des contrats d’assurance-vie. Vous le savez, l’assurance-vie permet de bénéficier de nombreux avantages tels que le régime fiscal sur les plus-values réalisées au bout de huit ans de détention du contrat, ou encore l’abattement dans le cadre d’une succession pour les primes versées avant les 70 ans de l’assuré. Or, si celui-ci clôture son contrat, il perd l’ensemble des bénéfices acquis avec le temps, d’autant que le régime fiscal a changé depuis le 27 septembre 2017. Face à cette problématique, beaucoup de contrats sont conservés et délaissés par leurs propriétaires.

En septembre 2018, deux députés LREM avaient déjà proposé des amendements afin de rendre possible le transfert des contrats d’assurance-vie avec conservation de l’antériorité fiscale. Ces propositions avaient finalement été retirées face à un ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, réticent. Celui-ci nous expliquait alors que rendre les transferts possibles risquait de déstabiliser les assureurs dont le rôle est d’accompagner leurs clients sur du long terme.

Or, si ces derniers ont la possibilité de changer du jour au lendemain d’assureur, cette optique d’investissement à long terme ne peut plus être respectée. De même, Bercy alertait sur les dangers de déstabiliser un produit d’investissement qui finance la dette de l’Etat à long terme. Un lobbying suffisamment efficace pour calmer l’ardeur de nos parlementaires. Finalement, un amendement visant à améliorer la concurrence entre les assureurs et la lisibilité de leurs contrats a bien été adopté par l’Assemblée nationale. Mais il limite la transférabilité aux contrats au sein d’un même assureur.

Une « mini » réforme qui ne changera pas fondamentalement le problème. Car dans l’assurance-vie comme dans beaucoup d’autres domaines, ce ne sont pas les produits qui posent problème mais le conseil, la personnalisation et l’accompagnement du placement dans la durée par rapport aux besoins et au profil de risque du client.

Dans l’assurance-vie, il existe une procédure pour changer d’intermédiaires de gestion, de courtiers ou de CGP sans changer de contrat. Cela s’appelle « l’ordre de remplacement ». Il aurait mieux valu que nos députés s’animent pour fluidifier ces mécanismes existants car les ordres de remplacement ne sont pas appliqués de la même manière par toutes les compagnies.

Si Axa et Generali appliquent les changements de code courtier immédiatement, d’autres font traîner la procédure. En améliorant ce système on aurait donné la prime aux intermédiaires qui font bien leur travail.

Car quand la doctrine fiscale se construit avec force ballons d’essai inspirés par les lobbys et envoyé sur les plateaux télé ou par voie de communiqués de presse, il est grand temps de nous interroger sur notre rôle en tant que CGP, face à une instabilité fiscale qui devrait s’accroître.

Nous le disons depuis longtemps, le rôle du CGP est d’amplifier le patrimoine de ses clients et non de l’optimiser fiscalement. Notre optique est donc le long terme, seul garant de la performance. Le temps est l’effet de levier le plus puissant pour développer son patrimoine, notamment quand il s’agit d’immobilier ou de Bourse, d’ailleurs.

Alors que faut-il faire en 2019 ? Investir en fonction de vos projets de vie, dans des produits performants sur la durée et à l’abri des délires fiscaux de nos contemporains.

  • Mise à jour le : 23/04/2019

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