MIF II : ce qui va changer le 3 janvier pour les CGPI
Par Maître Silvestre Tandeau de Marsac, avocat au Barreau de Paris, associé au sein du cabinet Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés et vice-président de la Compagnie des conseils experts financiers (CCEF)
Elle a fait couler beaucoup d’encre durant quelques années et secoué l’univers des CGPI. Le 3 janvier prochain, la directive MIF II s’installe dans leur quotidien avec son lot de changements.
La directive n° 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF II, réglemente les entités qui fournissent des services d’investissement. A cet égard, elle s’applique aux entreprises d’investissement, ainsi qu’aux établissements de crédit et aux sociétés de gestion de portefeuille dans le cadre de leur activité de services d’investissement.
Cependant, la directive MIF II permet aux Etats membres de choisir de ne pas l’appliquer aux personnes fournissant uniquement des services de conseil en investissement et de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers, à la condition que les activités de ces personnes soient autorisées et réglementées au niveau national et soient soumises à des exigences analogues à celles applicables aux entreprises d’investissement. Tel est le cas des conseillers en investissements financiers français.
S’il avait été procédé à une première étape d’élaboration du régime analogue des CIF par la publication de l’ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 relative aux marchés d’instruments financiers, le parachèvement de la seconde étape était encore attendu. C’est désormais chose faite avec la publication de l’ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d’instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d’investissement.
L’étude ci-après analyse les changements induits pour les conseillers en gestion de patrimoine indépendants ayant le statut de CIF.
Concernant les rétrocessions de commission
Le principe d’interdiction des « inducements »
Le considérant 73 et l’article 24 de la directive MIF II ont consacré une nouvelle notion : le conseil en investissement indépendant. Le nouvel article L. 541-8-1, 7° du Code monétaire et financier transpose cette notion en droit national. A cet égard, le point a) de cet article dispose désormais que lorsque les conseils sont fournis sur une base indépendante, les CGPI doivent « évaluer un éventail suffisant d’instruments financiers disponibles sur le marché qui sont suffisamment diversifiés quant à leur type et à leurs émetteurs ou à leurs fournisseurs pour garantir que les objectifs d’investissement de leurs clients puissent être atteints de manière appropriée, et ne doivent pas se limiter aux instruments financiers émis ou fournis par des entités ayant des liens étroits avec eux-mêmes ou d’autres entités avec lesquelles ils ont des relations juridiques ou économiques telles que des relations contractuelles si étroites qu’elles présentent le risque de nuire à l’indépendance du conseil fourni ».
Le conseil en investissement indépendant est assorti de diverses mesures permettant de renforcer les connaissances de l’investisseur en lui communiquant différentes informations. Ces informations portent notamment sur le conseiller en investissement, la nature du service fourni, l’analyse de différents types d’instruments financiers, la fourniture d’une évaluation du caractère approprié des instruments financiers recommandés et sur les coûts liés au service fourni.
La protection de l’investisseur demeure ainsi une priorité et les informations adressées aux clients doivent présenter « un contenu exact, clair et non trompeur » conformément à l’article L. 514-8-1, 8° du Code monétaire et financier.
A la faveur de l’introduction de la notion de conseil en investissement indépendant, la directive MIF II a également souhaité consacrer l’interdiction de percevoir des inducements.
Le principe d’interdiction des inducements est énoncé à l’article L. 541-8-1, 7° du Code monétaire et financier. En effet, le point b) de cet article dispose que les CIF ne doivent « pas accepter, sauf à les restituer intégralement à leurs clients, des rémunérations, commissions ou autres avantages monétaires ou non monétaires en rapport avec la fourniture du service aux clients, versés ou fournis par un tiers ou par une personne agissant pour le compte d’un tiers ».
z L’exception au principe d’interdiction des « inducements »
L’interdiction de percevoir des inducements est assortie de différentes exceptions. Tout d’abord, la perception d’un inducement de la part d’un tiers n’est pas interdite s’il est intégralement restitué au client, et ce dans un délai raisonnable. Dans son avis technique, l’ESMA a rappelé qu’elle doit s’accompagner de la mise en place d’une politique visant à s’assurer que les commissions sont effectivement transférées au client.
Ensuite, sont autorisés « les avantages non monétaires mineurs qui sont susceptibles d’améliorer la qualité du service fourni à un client et dont l’importance et la nature sont telles qu’ils ne peuvent pas être considérés comme empêchant le respect par les conseillers en investissements financiers de leur devoir d’agir au mieux des intérêts de leurs clients ». Dans son article 12.3, dont un régime analogue est attendu pour les CIF au sein du règlement général de l’AMF, la directive déléguée du 7 avril 2016 établit une liste exhaustive de ces avantages.
En outre, elle rappelle les deux conditions fondamentales à une telle perception, que sont, d’une part, l’obligation de porter les avantages à la connaissance du client avant toute prestation de service et, d’autre part, la justification de ceux-ci par une amélioration de la qualité du service rendu au client.
En application de l’article L 541-8, 4° du Code monétaire et financier, les CIF devront prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir d’éventuels conflits d’intérêts « découlant de la perception d’avantages en provenance de tiers ou de la structure de rémunération et d’autres structures incitatives propres au conseiller en investissements financiers ».
Portée de l’interdiction
L’interdiction ne s’appliquera pas aux agents liés. En effet, l’agent lié, mandataire exclusif du prestataire de services d’investissement, ne fournit pas un conseil sur une base indépendante.
Il peut, par conséquent, recevoir des inducements, à condition que les règles qui s’appliquent à ces derniers soient respectées : transparence de la rémunération, amélioration de la qualité du service fourni au client et prévention des conflits d’intérêts.
On notera, toutefois, que, selon l’AMF, le statut d’agent lié ne peut pas se cumuler avec le statut de CIF, en raison des différences de régime, du périmètre distinct d’activités que chacun des deux statuts permet, et de l’obligation pour le CIF de se comporter avec loyauté et d’agir avec équité au mieux des intérêts de ses clients.
Concernant la gouvernance des produits
Dans le cadre des nouvelles obligations en matière de gouvernance des instruments financiers, le distributeur CIF devra, quant à lui, se doter de dispositifs appropriés pour obtenir les renseignements utiles sur les instruments financiers et leur processus de validation, y compris le marché cible défini (article L. 541-8, 2° du Code monétaire et financier). Cela lui permettra d’en comprendre les caractéristiques et d’évaluer la compatibilité avec les besoins des clients auxquels il fournit un conseil en investissement, notamment en fonction du marché cible défini (article L 541-8-1, 6° du Code monétaire et financier).
Concernant l’information des clients
Sur les conditions de la fourniture du service de conseil en investissement
Si le service de conseil en investissement est fourni, alors le CIF devra communiquer à l’investisseur en temps utile avant la fourniture de ce service : « des informations appropriées en ce qui concerne le conseiller en investissements financiers et ses services, le cas échéant la nature juridique et l’étendue des relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations ».
Sur les coûts liés au service fourni
Selon le point 11°) de l’article L. 541-8-1 du Code monétaire et financier, les conseillers en investissements financiers devront, lorsqu’ils fournissent un conseil en investissement ou un conseil portant sur la fourniture de services d’investissement, communiquer lorsqu’il y a lieu « les coûts liés aux services fournis pour le compte du client ».
Concernant la vérification du caractère adéquat ou approprié du service de conseil en investissement
Actuellement, la fourniture d’un service de conseil en investissement nécessite au préalable de s’enquérir auprès de l’investisseur, de ses connaissances et de son expérience en matière d’investissement, ainsi que de sa situation financière et de ses objectifs d’investissement, de manière à pouvoir lui recommander les opérations, instruments et services adaptés à sa situation.
Le point 4°) de l’article L. 541-8-1 du Code monétaire et financier conserve ces dispositions mais précise que le CIF devra également s’enquérir de la « capacité à subir des pertes » et de la « tolérance au risque » du client. Par ailleurs, le point 4°) de l’article L. 541-8-1 du Code monétaire et financier, prévoit que lorsqu’un CIF, fournit un conseil en investissement ou un conseil portant sur la fourniture de services d’investissement recommandant une offre groupée de services ou de produits, l’offre groupée « dans son ensemble » devra convenir au client.
Concernant les comptes rendus relatifs aux services fournis
Les CIF fournissant un conseil en investissement ou un conseil portant sur la fourniture de services d’investissement, devront communiquer aux investisseurs un compte rendu sur les services fournis. Cette exigence est précisée par le point 11°) de l’article L. 541-8-1 du Code monétaire et financier. Le compte rendu remis aux investisseurs devra notamment inclure des communications périodiques dont la fréquence dépend « du type et de la complexité des instruments financiers concernés ainsi que de la nature du service fourni aux clients ». Lorsqu’il y a lieu, le compte-rendu devra également inclure « les coûts liés aux services fournis pour le compte du client ».
Par ailleurs, le point 9°) de l’article L. 541-8-1 prévoit l’obligation, lorsqu’un conseil en investissement est fourni, de remettre au client, avant que la transaction ne soit effectuée, une déclaration d’adéquation sur un support écrit. Cette déclaration d’adéquation devra justifier « les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent ». L’article précise à cet égard que cette justification devra tenir compte de l’expérience du client en matière d’investissement, de sa situation financière ainsi que de ses objectifs d’investissement.
Ces nouvelles obligations entrent en vigueur le 3 janvier 2018. Il est encore temps de préparer la mise en conformité pour ceux qui ne l’auraient pas fait.
Vos réactions