La fiscalité des cryptomonnaies

Par : edicom

Par Vanessa Julienne, fondatrice de Juri-Editing, en collaboration avec Les Editions Francis Lefebvre. Article extrait du Mémento Patrimoine 2019 paru aux Editions Francis Lefebvre

Présentée comme une alternative aux monnaies légales, la monnaie virtuelle n’est pas régulée par les banques et n’a pas de cours légal. Cependant, elle possède une fiscalité bien à elle.

Les cryptomonnaies (ou monnaies virtuelles) sont des monnaies numériques émises et échangées informatiquement via internet. Présentées comme une alternative aux monnaies légales, les cryptomonnaies ne sont pas régulées par les banques centrales. Les unités de compte virtuelles sont stockées sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs soit de les détenir dans un but purement spéculatif, soit de les échanger contre des biens et services sans recourir aux monnaies ayant cours légal.

Les monnaies virtuelles peuvent être utilisées pour l’achat de marchandises et services auprès de sites de vente en ligne ou de commerçants physiques. Le plus souvent, les transactions en cryptomonnaies n’engendrent aucuns frais ou taxes et sont effectuées anonymement en dehors des circuits de paiement traditionnels.

Le bitcoin, créé en 2009 par des programmeurs informatiques anonymes, est la monnaie virtuelle la plus répandue mais il en existe de nombreuses autres (notamment, ether, ripple et litcoin). Aucune ne bénéficie d’un cours légal, contrairement aux monnaies émises par les b anques centrales.

Processus d’émission des cryptomonnaies

Les monnaies virtuelles sont émises via un processus appelé « minage » qui repose sur un protocole informatique de transactions cryptées et décentralisées (la « blockchain »). Concrètement, ces monnaies sont créées par une communauté d’internautes, appelés « mineurs », grâce à l’installation d’un logiciel libre sur leurs unités informatiques connectées à internet.

Ce logiciel crée, selon un algorithme prédéfini, des cryptomonnaies qui sont ensuite allouées à chaque mineur, le plus souvent gratuitement, en fonction de sa participation au fonctionnement du système. Une fois créées, elles sont stockées dans un coffre-fort électronique sur l’unité informatique du mineur. Ce dernier peut ensuite les transférer anonymement via Internet vers d’autres membres de la communauté.

Précisions

La quantité de bitcoins qui peut être créée par minage est limitée par le programme informatique d’émission à environ 21 millions de bitcoins. Environ 83 % seraient déjà en circulation début 2019.

Achat et revente des cryptomonnaies

L’achat et la revente s’effectuent en dehors de tout marché réglementé. Ce sont des plates-formes Internet qui permettent le stockage, ainsi que l’achat et la vente de cryptomonnaies. Les utilisateurs n’ayant pas participé au processus de minage peuvent y convertir une monnaie ayant cours légal (euro ou dollar, par exemple) contre une monnaie virtuelle. La valeur des cryptomonnaies sur ces plates-formes d’échange résulte exclusivement de la confrontation de l’offre et la demande.

Précisions

Pour pouvoir payer avec des cryptomonnaies, le client doit disposer d’un porte-monnaie électronique spécifique sur son ordinateur (via un logiciel), sur son smartphone (via une application) ou sur un site internet dédié, sur lequel il transfère les cryptomonnaies achetées sur une plateforme d’échange. Dans le cadre d’un achat, le vendeur envoie sur le porte-monnaie électronique du client une adresse (succession de lettres et de chiffres) à laquelle ce dernier doit transférer le montant de cryptomonnaies dû pour le bien ou le service acheté.

Absence de statut légal

En droit français, les cryptomonnaies sont dépourvues de statut légal et ne sont soumises à aucun cadre réglementaire. Ce ne sont pas des monnaies ayant cours légal : les commerçants peuvent donc les refuser en paiement et leur mise en circulation ne va pas à l’encontre du monopole d’émission des banques centrales. Les cryptomonnaies ne répondent pas non plus à la définition de la monnaie électronique au sens du Code monétaire et financier car elles ne sont pas émises contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement. Ce ne sont pas non plus des instruments financiers.

Précisions

Dans le cadre du régime fiscal applicable aux cryptomonnaies, l’article 150 VH bis, VI du CGI définit les cryptomonnaies comme toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. Cette définition est reprise dans le Code monétaire et financier dans le cadre du régime juridique des prestataires de services sur actifs numériques instauré par la loi Pacte (C. mon. fin. art. L. 54-10-1, 2° créé par la loi 2019-486 du 22-5-2019 art. 86 : JO 23 texte n° 2).

Statut des produits dérivés sur cryptomonnaies

De nombreux sites Internet proposent aux épargnants d’investir sur des produits dérivés sur cryptomonnaies : ce sont des contrats qui permettent de parier sur la hausse ou la baisse d’une monnaie virtuelle sans la détenir. Il s’agit, par exemple, d’options binaires, de contrats avec paiement d’un différentiel (CFD) ou de contrats de change ayant une échéance en fin de journée (Rolling Spot Forex), ayant pour sous-jacent des cryptomonnaies, telles que le bitcoin, l’ether ou le ripple.

En l’absence de définition de ces nouveaux produits dans la réglementation européenne, l’AMF considère que les produits dérivés ayant pour sous-jacent une cryptomonnaie et se dénouant par un règlement en espèces s’analysent en des contrats financiers (analyse de l’AMF sur la qualification juridique des produits dérivés sur cryptomonnaies du 22 février 2018).

En conséquence, les plates-formes Internet qui proposent aux épargnants d’investir dans des produits dérivés sur cryptomonnaies doivent, en tant que prestataires de services d’investissement, se conformer aux obligations liées à ce statut : obligation d’agrément et obligation de bonne conduite en matière de publication d’information. Elles sont également soumises à l’interdiction de publicité par voie électronique à l’attention du grand public car elles commercialisent des contrats financiers hautement risqués.

Risques associés à l’investissement en monnaie virtuelle

Les principales institutions bancaires et financières françaises et internationales ont émis d’importantes réserves quant à l’utilisation des monnaies virtuelles, en ce qu’elles sont dépourvues de statut légal et n’ont pas de cours officiel. Celles-ci ne sont véritablement adaptées qu’aux investisseurs avertis ; en effet, un certain niveau d’appétence technique et financière est nécessaire afin de comprendre les protocoles informatiques complexes sur lesquels ces monnaies reposent et les risques afférents.

En France, la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers (AMF) alertent régulièrement sur les dangers liés au développement du bitcoin :

- en limitant la quantité maximale de bitcoins pouvant être créée, les concepteurs de cette monnaie lui ont conféré un caractère hautement spéculatif. Le cours du bitcoin est soumis à d’importantes variations à court terme, à la hausse comme à la baisse, et repose uniquement sur la confiance des utilisateurs dans la sécurité du système.

En cas d’effondrement des cours, aucun organisme centralisé ne garantit la conversion en euros ou en dollars d’avoirs en bitcoins. Les risques de perte sont très élevés en cas de correction à la baisse et les investisseurs ne bénéficient d’aucune garantie ni protection du capital investi ;

- en l’absence de garantie des dépôts et de normes de sécurité des coffres-forts et porte-monnaie électroniques de stockage des bitcoins, les utilisateurs ne bénéficient d’aucune protection juridique en cas de vol de leurs bitcoins par des pirates informatiques (hackers) ou en cas de perte pure et simple liée à la cessation d’activité d’une plateforme de stockage ;

- l’anonymat des transferts de bitcoins constitue un risque d’utilisation de cette monnaie virtuelle à des fins criminelles (vente sur internet de biens ou de services illicites) ou à des fins de blanchiment, de fraude fiscale ou de financement du terrorisme.

L’AMF alerte sur les deux pratiques illégales le plus souvent rencontrées par les épargnants qui investissent en cryptomonnaies (AMF Epargne Info Service du 26 avril 2018) :

- les investissements avec promesse de rendement : ces investissements sont proposés par des plates-formes qui relèvent du régime d’intermédiaire en biens divers qui, pour être légales, devraient être enregistrées auprès de l’AMF. A ce jour, aucune plate-forme ne dispose d’autorisation pour proposer ce type d’investissement : elles exercent donc cette activité en toute illégalité (l’AMF met régulièrement à jour sa liste noire des sites proposant en France, sans en avoir l’autorisation, d’investir dans des cryptomonnaies) ;

- le trading sur des produits dérivés : pour être légal, ce service, qui porte sur des produits spéculatifs hautement risqués, devrait être proposé par des plates-formes ayant le statut de prestataires de services d’investissement.

Régime fiscal des cryptomonnaies

Impôt sur le revenu

Les plus-values réalisées depuis le 1er janvier 2019 par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, directement ou par personne interposée, lors d’une cession occasionnelle à titre onéreux d’actifs numériques, et notamment de cryptomonnaies, sont imposées à l’impôt sur le revenu au taux de 12,8 % (auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %).

Toutefois, les opérations d’échange sans soulte d’actifs numériques bénéficient d’un sursis d’imposition. Par ailleurs, les contribuables sont exonérés d’imposition lorsque la somme des prix de cession, hors opérations d’échange en sursis d’imposition, n’excède pas 305 € au cours de l’année d’imposition.

Précisions

Les gains de cession de cryptomonnaies obtenues en contrepartie de la participation du contribuable à une activité de minage sont imposables dans la catégorie des BNC. Les gains issus d’une activité d’achat-revente de cryptomonnaies exercée à titre habituel sont imposables dans la catégorie des BIC.

Les actifs numériques comprennent :

- les cryptomonnaies ;

- et les jetons (« tokens ») émis à l’occasion d’une levée de fonds (ICO - Initial Coin Offering).

En application du sursis d’imposition, l’échange d’une cryptomonnaie contre une autre cryptomonnaie (par exemple, l’échange de bitcoins contre des ethers) constitue une simple opération intercalaire non imposable.

Calcul des plus-values

La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession est égale à la différence entre, d’une part, le prix de cession et, d’autre part, le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.

Le prix de cession à retenir pour le calcul de la plus-value est le prix réel perçu ou la valeur de la contrepartie en biens ou services obtenue par le cédant, sous déduction des frais supportés par le cédant.

Le prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques est égal à la somme des prix acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions réalisées avant la cession et de la valeur des biens ou services fournis en contrepartie de ces acquisitions (hors opérations d’échange ayant bénéficié du sursis d’imposition).

La valeur globale du portefeuille d’actifs numériques lors de la cession est égale à la somme des valeurs des différents actifs numériques détenus par le cédant avant de procéder à la cession.

Exemple

Un contribuable achète en janvier N trois bitcoins pour un montant de 15 000 €. En avril N, il échange un bitcoin contre 50 ethers, cette opération intercalaire n’étant pas imposable. En mars N + 1, il cède ses deux bitcoins pour un montant de 9 000 €, mais conserve ses 50 ethers qui ont une valeur de 8 000 €.

La situation globale du portefeuille est positive, dès lors que sa valeur lors de la cession s’élève à 17 000 € (9 000 + 8 000) et que le prix total d’acquisition du portefeuille est évalué à 15 000 €. La cession des deux bitcoins génère une plus-value de 1 059 € [soit 9 000 - (15 000 × 9 000/17 000) = 9 000 - 7 941].

Lors des futures cessions, la quote-part de versement initial (soit 7 941 €) devra être déduite du prix total d’acquisition du portefeuille.

Les moins-values subies au cours d’une année d’imposition sont imputables exclusivement sur les plus-values brutes de même nature réalisées au titre de cette même année.

Précisions

Afin de tenir compte des cessions précédentes, le prix total d’acquisition du portefeuille est réduit de la somme des fractions initiales contenues dans la valeur ou le prix de chacune des différentes cessions d’actifs numériques à titre gratuit ou onéreux réalisées antérieurement.

En cas d’acquisition à titre gratuit, le prix d’acquisition s’entend de la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit ou, à défaut, de la valeur réelle de ces actifs numériques au moment de leur entrée dans le patrimoine du cédant.

Déclaration des plus-values

Les redevables doivent porter sur leur déclaration annuelle de revenus le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année. Ils doivent joindre à cette déclaration une annexe sur laquelle ils mentionnent et évaluent l’ensemble des plus ou moins-values réalisées à l’occasion de chacune des cessions imposables effectuées au cours de l’année ou les prix de chacune des cessions exonérées. L’impôt sur le revenu correspondant est versé par la personne physique qui réalise, directement ou par personne interposée, la cession.

Un décret à venir doit déterminer les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux personnes interposées. Déclaration des comptes ouverts à l’étranger Les personnes physiques, les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale domiciliées ou établies en France sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger. Ces obligations déclaratives seront précisées par un décret à venir.

Attention

L’absence de déclaration est sanctionnée d’une amende de 750 € par compte non déclaré ou 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration. Ces montants de 750 € et 125 € sont respectivement portés à 1 500 € et 250 € lorsque la valeur des comptes est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l’année.

Droits de mutation à titre gratuit

Les unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique sont soumises dans les conditions de droit commun aux droits de succession (sous réserve des conventions internationales) ou, en cas de transmission entre vifs, aux droits de donation.

TVA

Les opérations de change de bitcoins contre des devises traditionnelles sont exonérées de TVA.

 

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  • Mise à jour le : 27/06/2019

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