Mobilité : anticiper sa succession transfrontalière

Par : edicom

L’un des mirages de la mobilité internationale, lorsqu’elle est uniquement motivée par des raisons fiscales, est de penser que l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Pourtant, c’est souvent lorsque l’on ne s’y attend pas, notamment à l’heure de la succession, que l’on découvre les subtilités d’une succession transfrontalière. Illustration des faits avec un cas franco-belge.

Les départs très médiatisés de certaines personnalités françaises en Belgique pour raison fiscale ont été largement commentés, mais ils ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Car si les Français sont de plus en plus nombreux à partir outre-Quiévrain, ce n’est pas toujours pour les raisons que l’on croit. Tous les Français qui viennent s’installer en Belgique ne cherchent pas nécessairement à bénéficier d’un autre régime fiscal. Une partie de la classe moyenne, des indépendants, des cadres et même de plus en plus de jeunes sont attirés par le dynamisme économique et culturel du pays, et son état d’esprit. Et inversement, on rencontre aussi certains Belges qui choisissent d’aller travailler en France, où l’imposition salariale est nettement moindre, ou qui s’installent dans le Sud au moment de leur retraite.
Si le Thalys circule dans les deux sens, un déménagement n’est jamais anodin – surtout lorsque l’ensemble de la famille ne suit pas le mouvement – : chaque pays dispose de sa propre fiscalité dont les conséquences pourront être différentes en fonction de la situation familiale des souscripteurs. Mais la France a la particularité d’avoir un critère de territorialité supplémentaire qui peut rendre la succession transfrontalière particulièrement complexe, et dans certains cas désavantager des héritiers.

 

Deux pays, deux législations, deux impositions

Pour bien comprendre l’impact de la mobilité sur la succession transfrontalière, il faut d’abord se pencher sur les règles en vigueur dans chacun des deux pays.
Dans un contexte franco-français, les bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie sont imposés en fonction de deux régimes qui diffèrent selon l’âge de l’assuré au moment du versement des primes : si celui-ci a plus de soixante-dix ans, le bénéficiaire sera soumis au droit de succession après application d’un abattement de 35 000 euros divisé par le nombre de bénéficiaires. Par contre, si l’assuré est âgé de moins de soixante-dix ans au moment du versement, chaque bénéficiaire sera soumis à un prélèvement sui generis de 20 % en dessous de 700 000 euros et de 31,25 % au-delà (après application d’un abattement de 152 500 euros). Cette fiscalité s’appliquera dans deux hypothèses : soit l’assuré a sa résidence fiscale en France au moment de son décès, soit en fonction de la résidence en France des bénéficiaires uniquement si ces derniers ont eu leur résidence en France six ans au cours des dix dernières années qui précèdent le décès de l’assuré. En Belgique, la situation est beaucoup plus simple car si chacune des trois régions (Wallonie, Flandre et Bruxelles) applique des taux différents, les droits de succession sur les valeurs mobilières s’appliquent automatiquement en fonction du dernier lieu de résidence du défunt. Les règles sont donc clairement affichées pour chaque pays… 
Sauf que dans le cas d’une succession franco-belge, les critères de territorialité français peuvent bouleverser la donne. Ainsi, si un Français choisit de s’installer en Belgique, mais que les bénéficiaires désignés dans son contrat d’assurance-vie restent dans leur pays, ces derniers risquent d’être doublement imposés, dans le cas où le versement des primes a été effectué avant les soixante-dix ans de l’assuré. Si l’assuré décède en Belgique, la législation locale fait que le contrat doit être imposé en fonction du lieu de résidence du défunt. Mais si les bénéficiaires du contrat résident en France depuis au moins six des dix dernières années qui précèdent le décès de l’assuré, alors le contrat sera également soumis à la fiscalité française en vigueur. En revanche, si le décès intervient alors que les primes ont été versées après les soixante-dix ans de l’assuré, les deux pays ont établi une convention de non-double imposition en matière de droit de succession, et seule la législation belge sera alors appliquée.

 

France : de 45 à 60 jours pour faire son deuil et se mettre en règle

Suite à un décès, les assureurs ont quarante-cinq jours pour adresser à la direction des services fiscaux une déclaration relative au contrat d’assurance-vie si les primes ont été versées après les soixante-dix ans de l’assuré – soixante jours si les primes ont été versées avant ses soixante-dix ans. Sachant que l’on est rarement dans les meilleures dispositions suite à la disparition d’un proche, il est important de pouvoir s’appuyer sur des spécialistes qui sauront prendre la situation en main. Et surtout, le souscripteur peut simplifier l’identification des bénéficiaires le moment venu (et donc éviter les contrats d’assurance en déshérence), en rédigeant clairement la clause adéquate et en tenant informé l’assureur de tout changement d’adresse des personnes concernées.

 

La délocalisation temporaire, une fausse bonne idée

A l’échelle européenne, la France est l’un des seuls pays à avoir choisi des critères de territorialité aussi stricts. Mais surtout, la loi a également été pensée de manière à éviter les délocalisations de dernière minute des bénéficiaires. Inutile en effet d’opter pour un déménagement temporaire ou définitif peu de temps avant le dénouement du contrat dans le cas où celui-ci serait anticipable : tout a été cadré. Pour que la double imposition soit effective, il ne s’agit pas d’avoir passé les six dernières années de sa vie en tant que résident français, mais six des dix dernières années – pas forcément consécutives – qui précèdent le décès de l’assuré. Depuis quelques années, les cas de successions transfrontalières mal anticipées se multiplient, laissant de nombreux bénéficiaires désemparés, soit lésés les uns par rapport aux autres, soit même temporairement dans l’illégalité en cas de méconnaissance de ces clauses transfrontalières par la compagnie d’assurance-vie. La succession transfrontalière nécessite d’être en conformité avec deux législations qui ne se substituent pas toujours, mais peuvent au contraire s’additionner. Ce sont des situations qu’il faut anticiper au maximum, car chaque déménagement peut avoir des conséquences lourdes que trop de gens découvrent encore trop tard. Ce ne sont pas des situations inextricables, mais il faut être bien accompagné. 

Bastien Perrine, Country Manager France de Vitis Life

  • Mise à jour le : 24/09/2015

Vos réactions